Le service Minitel s’est définitivement éteint le 30 juin 2012, après plusieurs prolongations. La fermeture de ce service est une évolution certes logique, mais elle entraîne des conséquences parfois surprenantes : le nombre de foyers ayant accès à des services en ligne diminuera, des particuliers perdent leur seul moyen de communiquer, certains terminaux de paiement par cartes bancaires ne fonctionneront plus…

Le coup de grâce au service Minitel a été donné par l’arrêt du support par France Telecom du protocole X25, connu sous le nom commercial Transpac. La norme X25 est une « vieille » technologie datant de 1976, qui assure la transmission fiable de données mais à faible débit. La technologie X25 servait notamment aux échanges entre les banques, les terminaux de paiement et les distributeurs de billets (via le protocole ETEBAC).

Cela entraîne en premier lieu que de nombreux commerçants ont dû (ou doivent encore) renouveler leur parc de terminaux de paiement pour pouvoir continuer à accepter les cartes bancaires.

Mais l’utilisation la plus connue du réseau X25 en France était bien sûr le Minitel®, dont pouvaient bénéficier les particuliers et les entreprises. Pour les plus jeunes, rappelons que le Minitel® était un petit terminal composé d’un écran et d’un clavier permettant d’accéder à des services : informations, réservation, commandes, forums de discussion…

Lancé en 1982, le terminal était utilisé par plus d’un million de foyers et cumulait plus d’un million d’heures de communications par mois en 1985, pour atteindre 9 millions de terminaux en 2000, et 25 millions d’utilisateurs particuliers et professionnels.

La connexion s’effectuait via la ligne téléphonique, en composant soit un numéro court spécial, éventuellement surtaxé, soit en composant directement le numéro d’une autre ligne téléphonique… Dans ce cas, le modem du Minitel pouvait être « retourné » (expression technique consacrée) pour instaurer un dialogue entre 2 Minitels.

L’ensemble des services accessibles aujourd’hui via Internet étaient proposés sur le « kiosque de services » du Minitel : vente en ligne (ex : 3615 LAREDOUTE) ; téléchargement de fichiers ; messagerie (service 3614 CHEZ*NOMBOITEAUXLETTRE notamment) ; « newsgroup » et forums de discussion (on se souviendra du « 3614 RTEL1 ») ; information (météo, bourse, actualités,…) ; inscriptions (concours, bac, universités,…) ; gestion de stocks et de commandes (réseau petits Casino, notamment).

L’essentiel des connexions étaient avant tout professionnelles avec 40% des connexions (vérification de situation des entreprises, réapprovisionnement des kiosques à journaux…) ; 25% pouvaient être qualifiées de « pratiques » (SNCF, annuaire…) ; 25% concernaient la consultation des comptes bancaires ; et 10% les jeux et assimilés (voyance…), selon LMI.

La France était le seul pays à avoir distribué gratuitement des millions de terminaux. Aux Etats-Unis et dans tous les autres pays, il fallait disposer d’un ordinateur (peu répandu et coûteux à l’époque) et d’un modem analogique pour se connecter à des services de messagerie comme Compuserve, ou des services de partage de fichier et de discussions appelés BBS (pour « Bulletin Board Systems »).

Lorsque l’Internet s’est ouvert au grand public à la fin des années 1990, la France prendra un retard notoire ; car l’Internet n’apportait initialement pas grand chose de plus aux utilisateurs du Minitel.

Avec la disparition du Minitel, certains foyers vont se trouver privés de connexion numérique, et ainsi, c’est un paradoxe, faire baisser le nombre total de foyers « connectés ». Situés principalement en milieu rural, ces foyers n’ont jamais investi dans un ordinateur, ou ne sont pas raccordable à un réseau haut-débit. Seule consolation : le Minitel peut continuer à être utilisé entre deux abonnés, notamment pour communiquer avec une personne sourde/muette non connectée à Internet.

Werner Klinger
Ingénieur Conseil NeoDiffusion